11 décembre 1787. Une petite fille, Anne, naît chez les Boivent, famille d’agriculteurs de Saint Georges-de-Reintembault, diocèse de Rennes.
Peu après, éclate la Révolution qui rejette dans la clandestinité les prêtres réfractaires. « Plus de prêtres, plus de messes ! » soupire sa maman un jour des Rameaux 1793. Anne a six ans. Le Vendredi-Saint suivant, toute la journée elle dit son chapelet en pensant aux souffrances de Jésus dans sa Passion, suivant les conseils de sa maman. C’est alors qu’elle fait une expérience de Dieu qui la marque pour la vie.
À quinze ans, elle devient servante. Dans le village de ses maîtres, il y a une femme âgée qui doit garder le lit : la jeune fille sort tous les jours au milieu du repas pour aller porter la moitié du sien à cette pauvre malade abandonnée. Bientôt elle entre en service chez un bon vieillard qui lui laisse toute liberté d’enseigner le catéchisme aux enfants et de faire l’aumône à ceux qui la lui demanderaient. C’est le temps de l’appel.
Les obstacles se dressent contre elle. Elle obtient difficilement de son père d’aller au couvent voisin, chez les Trinitaires de Saint-James pour recevoir une instruction élémentaire, afin de pouvoir instruire les enfants. Elle aimerait rester là pour être religieuse, mais le prêtre à qui elle se confie lui dit : « II faut que vous soyez au moins dix ans en paroisse ». Un chemin déroutant commence pour elle. Saint Georges de Reintembault d’abord où bientôt arrive un nouveau vicaire Jean-Baptiste Le Taillandier qui deviendra son conseiller spirituel. Puis une suite de lieux où elle espère trouver comment répondre à l’appel qui l’habite…
Enfin, à 36 ans elle rejoint Laignelet, près de Fougères, devenu paroisse du Père Le Taillandier : elle y exerce la fonction d’institutrice. Des jeunes filles se regroupent autour d’elle et habitent avec elle le grenier qui est au-dessus de la petite école. C’est alors – vers 1827 - que se produit, étonnant, imprévisible, l’événement fondateur, une parole intérieure entendue dans sa prière :
« On honore et on aime ma bonté, ma miséricorde et mes autres attributs, mais ma Justice on la craint et on ne l’aime pas ».
Le Père Le Taillandier à qui elle en fait part "conçut dès lors l’idée d’une société qui se consacrerait à l’amour et à l’adoration de la Justice de Dieu". Petit à petit, l’esprit né de la parole se développe. Le nombre des jeunes filles croît autour de Anne. Un premier règlement est approuvé par l’évêque de Rennes le 25 janvier 1831. Anne devient Mère Marie-Thérèse de la Croix le 22 mai, jour de la fête de la Pentecôte. La Congrégation est née.
Deux années passent. À Fougères, dans le quartier de Rillé, une ancienne abbaye datant du XIe siècle et détruite à la Révolution, est mise en vente et achetée par le Père Le Taillandier. Mère Marie-Thérèse avec deux autres Sœurs vient y habiter le 26 octobre 1833. Elle remplit la charge de Supérieure générale avec la simplicité qui marque toute sa personne et toute sa vie. Les Sœurs sont envoyées en petites communautés vers les malades, les enfants, les sourds.
Mais voici le temps de l’épreuve. À l’intérieur de la Maison-Mère, des rumeurs circulent contre Mère Marie-Thérèse. Le Père Le Taillandier s’y laisse prendre. Durant cinq ans, la souffrance marque les relations entre eux. Épisode douloureux mais nouvelle naissance. La charge de Supérieure générale étant passée en d’autres mains en 1849, Mère Marie-Thérèse se retire discrètement dans une petite école des environs : elle reviendra neuf ans plus tard à la Maison-Mère de Rillé. On la vénère comme la Fondatrice, mais elle ne reprend pas de charge. Fidèle à elle-même, elle s’efface, reste telle qu’elle était au grenier de Laignelet, pleine d’entrain, de gaieté.
Elle meurt le 15 août 1865. Sur sa tombe, le Fondateur fait graver ces mots : humilité, charité, simplicité.